Interview d’une vétérinaire urgentiste :
Sur le métier en lui-même
- Les études pour devenir vétérinaire urgentiste sont-elles longues ?
Il n'y a pas de spécialisation d'urgentistes, dans les études
vétérinaires. Ça fait partie de la formation de base qu'on reçoit tous.
Donc aussi longtemps que pour les vétérinaires qui ont une clinique
normale : 7 ans minimum (je ne rentre pas dans le détail des
différentes voies d'accès ici, qui peuvent rajouter un ou 2 ans pour
certaines).
- À quel âge avez-vous commencé ?
Si on fait un calcul rapide : bac à 18 ans, 7 ans d'études, j'avais 25 ans.
- Depuis combien de temps êtes-vous vétérinaire urgentiste ? Pourquoi avez-vous choisi cette spécialité ?
Depuis que je suis diplômée, je n'ai fait que de l'urgence, donc 2 ans
et demie. Quand j'étais étudiante, j'aimais bien l'intensité du service
des urgences : on voyait des cas graves, on sauvait des vies. Beaucoup
plus intense que les vaccins quotidiens, alors j'ai eu envie de tester.
- Qu'est-ce que vous aimez tant dans ce métier ?
Le contact avec les animaux comme les gens. On ne peut pas soigner le
chat sans parler au propriétaire et du coup on rencontre vraiment plein
de relations différentes à son chien ou son chat. Et puis il y a la
médecine, bien sûr, comprendre ce qu'il se passe, essayer de le
corriger.
- Ce métier est-il dur, fatiguant ?
Oui. Il faut être honnête : les journées sont longues, le cerveau n'est
jamais longtemps au repos. Il faut beaucoup réfléchir, on ne s'assoit
pas souvent et il faut gérer le stress des gens inquiets pour leur
animal, ce qui n'est pas toujours facile. Et puis, ça travaille
beaucoup le moral, surtout en urgence. Je vois peu de chiots et de
chatons et encore moins d'animaux globalement en bonne santé.
- Travaillez-vous beaucoup ? Votre travail a-t-il lieu de nuit ou de jour ?
En urgence, j'ai des horaires aléatoires. Ça dépend un peu de mon
emploi du temps, du coup, mais je travaille beaucoup en soirée, entre
19h et minuit, la nuit, bien sûr, et les week-ends. L'hiver, c'est plus
calme, mais l'été, on a beaucoup de consultations et des journées très
chargées.
- Le fait de vous déplacer de nuit vous donne-t-il accès à des primes ?
Pas précisément, mais les consultations d'urgence, à domicile, sont beaucoup plus chères qu'en clinique en journée, clairement.
- Y a-t-il beaucoup d'urgences par jour ?
Ça dépend des saisons. Le printemps et l'été, pas mal. Le dimanche, je
peux travailler sans m'arrêter du matin au soir. L'hiver, c'est
beaucoup plus calme et j'ai même le temps de m'ennuyer un peu.
- Quels moyens de transport utilisez-vous ?
Je travaille à domicile, ce qui veut dire que je vais chez les gens
pour examiner leur animal, faire les premiers soins et décider, au
besoin, de le faire hospitaliser. Du coup, je travaille avec ma
voiture, avec tout ce qu'il faut dans le coffre dans un très gros sac,
le même que celui des pompiers d'ailleurs.
- De quels instruments avez-vous besoin ?
Pour examiner un animal : un stéthoscope, un thermomètre et une montre
pour pouvoir compter les battements cardiaques. Après, j'ai dans ma
trousse tout un tas de médicaments pour faire des injections, les
seringues et les aiguilles qui vont bien, ainsi que de quoi nettoyer,
suturer et faire des pansements sur les plaies.
- Votre métier ressemble-t-il à celui d'un médecin d'hôpital ?
Pas vraiment. Moi, je travaille au domicile, donc si on devait faire
une comparaison, je serais plus proche de SOS médecin. Je n'ai pas tous
les appareils complexes pour faire des radios, des échographies et des
prises de sang.
- Vous relayez-vous avec d'autres vétérinaires urgentistes ?
Oui. À Lyon, on couvre une zone très étendue. Notre service fonctionne
7j sur 7 et 24h sur 24. Je ne pourrais pas le tenir toute seule. Donc
on est plusieurs et on alterne pour les gardes. D'où des plannings un
peu compliqués.
Sur les animaux
- Avez-vous déjà soigné un animal non domestique ?
Je ne suis pas spécialisée, donc même si on me le demandait, je
refuserais, par esprit déontologique. Étudiantes, nous avions reçu un
zèbre dans les cliniques.
- Quels animaux préférez-vous soigner ?
Les chiens, car ils sont bien plus coopératifs, la plupart du temps, que les chats. Toujours se méfier des chats.
- Est-ce difficile de voir des animaux en mauvaise santé ?
Oui, bien sûr. Si on fait ce métier, souvent, c'est parce qu'on les
aime. Les voir malades, avoir mal, vieux, ça nous fait forcément de la
peine pour eux.
- Devez-vous souvent pratiquer des euthanasies ? Est-ce difficile pour vous ?
Souvent, oui, parce qu'en urgence, je vois beaucoup plus d'animaux
malades, forcément. C'est toujours difficile, même si on apprend, comme
on peut, à se protéger.
- Que faites-vous quand les animaux sont agressifs ?
Ça dépend de l'animal. Si c'est un chat ou un petit chien, je peux me
montrer plus forte et lui faire la prise de catch qui va bien pour le
museler ou l'anesthésier. Les gros chiens, je demande au propriétaire
de les museler, si même eux en sont incapables, je repars sans rien
faire. Ma vie et mes mains sont plus importantes.
- Comment pouvez-vous être sûre de votre diagnostic ?
On ne peut jamais l'être. Le vivant est imprévisible et l'erreur fait
partie du processus, même si les gens ont du mal à l'accepter. En
prime, moi je ne peux pas faire d'examens donc, juste avec un examen
clinique, je manque cruellement d'indices et n'ai souvent qu'une
suspicion dans le meilleur des cas.
- Quelle est la maladie la plus répandue chez les animaux ?
Alors là, c'est une colle. Sans parler de maladie, je vois
majoritairement les animaux pour des problèmes digestifs (diarrhée,
vomissements).
- Avez-vous beaucoup de patients ?
Je n'ai pas vraiment de patients à proprement parlé, vu que je me
contente d'assurer les urgences et qu'ensuite le vétérinaire traitant
habituel prend le relais. Mais je dois voir entre 600 et 800 chiens,
chats et rongeurs par an.
- Quel est l'animal que vous soignez le plus souvent ?
Le chat, ils ont vraiment pris le dessus en ville.
- Les clients sont-ils souvent inquiets ?
En consultation d'urgence, oui. Ils le sont même par définition, sinon
ils n'appelleraient pas et attendraient que leur vétérinaire habituel
soit ouvert.
- Quelle a été votre plus longue intervention / opération ? La plus grave ?
Hum, rien de bien passionnant, je le crains. Au domicile, les choses
les plus graves, je me contente de faire des antidouleurs et de faire
partir les gens à la clinique de nuit. Donc ce qui me prend le plus de
temps, ce sont les sutures sur les plaies. Parfois, les chats font des
abcès qui deviennent très moches et douloureux, ça peut faire des
plaies assez grandes.
Divers
- Avez-vous du temps libre ?
En voilà, une question piège. Disons que j'ai un schéma de travail
différent : les jours où je travaille, je ne fais que ça du lever au
coucher. Mais du coup, les jours où je ne travaille pas, j'ai toute ma
journée pour moi. Donc on va dire relativement, oui, même si c'est un
rythme de vie fatiguant.
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Interview d’une vétérinaire en cabinet
Sur le métier en lui-même
- Qu'aimez-vous dans ce métier ? Pourquoi l'avez-vous choisi ?
Vaste question. Comme beaucoup, j'aime les animaux et je rêvais de
faire ce métier quand j'étais enfant. Mais en fait, au moment de
choisir, je savais surtout que je voulais faire de la biologie et de la
médecine, mais pas sur les humains (parce que je ne suis pas très à
l'aise avec les gens).
Ce que j'aime dans ce métier, c'est qu'il change tout le temps. Chaque
animal est différent, chaque maladie est différente. Je passe ma
journée à me poser des questions et à y répondre (pourquoi il a de la
fièvre, quel médicament je dois mettre). C'est très varié et je ne
m’ennuie jamais.
J'aime le contact avec les animaux, et bizarrement, j'aime aussi discuter avec leur maître.
- Combien de temps ont duré vos études ?
Après le bac, j'ai fait 2 ans de classe préparatoire (un peu comme un
super lycée, avec à peu près les mêmes matières). J’ai eu la chance de
ne pas redoubler et d'être prise dans une école vétérinaire. Là, j'ai
fait 5 ans d'études spécialisées de vétérinaire.
- À quel âge avez-vous commencé ce métier ?
À la fin de mes études, donc à 25 ans.
- Depuis combien de temps exercez-vous ce métier ?
J'ai fini mes études depuis environ 5 ans.
- Quels sont vos horaires ?
Je travaille de 9h à 12h et de 14h à 18h, pas tous les jours parce que
je suis à mi-temps. J'ai la chance de ne pas travailler la nuit et le
week-end.
- Pourquoi avoir choisi d'exercer en cabinet (plutôt que de vous occuper des urgences) ?
D'abord pour les horaires. Pour avoir des heures de travail régulières,
ne pas travailler la nuit. Ensuite, en urgence, on est souvent tout
seul. Je préfère pouvoir travailler avec d'autres personnes (ma
secrétaire peut me tenir les animaux qui bougent trop, mon patron peut
me donner son avis). C'est moins de pression que de se retrouver seul
avec la vie de l'animal entre ses mains.
- De quel équipement disposez-vous dans votre cabinet ?
J'ai très peu d'équipement parce que c'est un tout petit cabinet. J'ai
les médicaments, de quoi poser une perfusion, de quoi faire des
opérations simples (stériliser, refermer des blessures), de quoi
analyser le sang et c'est tout. Je n'ai pas du tout de matériel pour
faire de l'imagerie (des radios ou des échographies pour voir à travers
la peau).
- Travaillez-vous dans un grand cabinet ou un petit ?
Un tout petit !
- Travaillez-vous seule ?
Non. Je travaille pour un patron qui est vétérinaire aussi, mais qui
s'occupe d'aller voir les animaux de ferme. Moi, je reste dans le
cabinet et je reçois les chiens et les chats. Il y a toujours une ASV
avec moi, ça veut dire "auxiliaire de soins vétérinaires". Elle fait un
travail de secrétaire, d'infirmière et de femme de ménage (oui, tout en
même temps).
- Est-ce que vous travaillez pendant les vacances scolaires ?
Oui. Ça ne me dérange pas parce que je n'ai pas d'enfants. En fait,
j'aime bien. Je trouve ça plus tranquille. Il y a moins de monde sur
les routes, les gens sont plus détendus, ils ont plus le temps.
Sur les animaux
- Quel est votre animal domestique préféré ?
Hummmm... Je dirais le chat.
- Avez-vous déjà soigné un animal non domestique ?
Oui. Pendant mes études, j'ai travaillé dans un centre de soins de la
faune sauvage. J'ai soigné un renard, des faons, des oiseaux, des
hérissons.
- Combien avez-vous en moyenne de clients chaque jour ?
Ça dépend beaucoup des périodes de l'année. En ce moment, c'est très
calme, j'ai environ 3 clients par jour. Lorsque ça bouge beaucoup, je
peux en avoir une quinzaine (toutes les 30 minutes, environ).
- Quel animal a selon vous le plus de problèmes de santé ?
Il n'y a pas vraiment de différence entre deux espèces (entre un chien
et un chat par exemple). Mais dans une même espèce, les animaux de race
pure sont souvent plus fragiles que les autres. Les races les plus
fragiles sont : le persan et le Maine coon pour les chats, le
bouledogue, le shar-pei, le dogue allemand pour les chiens (et
plusieurs autres, mais ce sont les premières auxquelles je pense).
- Est-ce possible qu'un animal tombe dans le coma ?
Oui. C'est tout à fait possible. Mais les vétérinaires sont beaucoup
moins équipés que les médecins. Donc, si un animal dans le coma ne se
réveille pas très vite (disons, dans les 2 jours), il va forcément
mourir. On ne peut pas les garder dans le coma pendant des mois comme
pour un humain.
- Devez-vous souvent pratiquer des euthanasies ? Est-ce difficile pour vous ?
Oui, assez souvent. Je dirais environ 2 par mois.
C'est plus ou moins difficile en fonction de plein de choses. Si c'est
un animal que j'ai soigné, que je n'ai pas réussi à sauver, c'est plus
difficile parce que j'ai l'impression d'avoir échoué. Si le
propriétaire est très malheureux, c'est parfois difficile de ne pas
pleurer avec lui. Et c'est souvent plus difficile quand l'animal est
jeune, parce qu'on se dit qu'il aurait pu vivre beaucoup plus longtemps
(par exemple, un animal trop malade pour qu'on le soigne). Quand
l'animal est vieux, qu'il est malade et qu'il a mal, je me dis que je
le fais pour lui et qu'il a été heureux avec son maître pendant
longtemps. C'est plus facile.
- Les animaux sont-ils parfois agressifs quand vous les soignez ?
Oui. Assez souvent. Ils ont peur, parfois ils ont mal. Ils ne
comprennent pas qu'on veut les aider. Alors parfois ils se défendent.
Avec le temps, on apprend à reconnaître quand ils vont mordre ou
griffer et on arrive (presque toujours) à l'éviter. Pour les chats, on
peut les tenir ou les bloquer pour éviter les coups de griffe. Pour les
chiens, on peut mettre une muselière. Si vraiment ce n'est pas
possible, parfois il faut les endormir pour les soigner.
- Les opérations / interventions sont-elles stressantes ?
Oui. Toujours. Certaines opérations sont faciles, et on s'inquiète
beaucoup moins quand on a l'habitude. Mais il peut toujours y avoir un
problème. Moi, je suis toujours stressée quand je fais une anesthésie,
parce j'ai peur que l'animal ait un problème cardiaque que je n'ai pas
entendu au stéthoscope et qu'il meure. C'est très très rare,
heureusement.
Et parfois, je fais des opérations que je ne fais pas souvent, ou dont
je ne sais pas comment elle va se passer. Parce que c'est différent
pour chaque animal et que parfois il y a des choses auxquelles on ne
s'attend pas (parfois, la blessure est plus profonde que ce qu'on
voyait, ou bien la chatte a des bébés et on ne le savait pas).
- Quel animal domestique voyez-vous le moins souvent ? Et le plus souvent ?
Je vois à peu près autant de chiens que de chats.
Le moins souvent, ce sont les autres animaux de compagnie. Je vois
parfois des lapins et des cochons d'Inde, même des rats ou des canaris.
Mais c'est très rare. Et parfois je vois des tortues. J'ai même déjà vu
des serpents et des salamandres.
- Quelle maladie est la plus répandue chez les animaux que vous soignez ?
C’est difficile à dire.
Je vois très souvent des maladies de peau : des puces, de la gale ou
des allergies. Les chats ont souvent le coryza aussi (une sorte de gros
rhume qui peut parfois devenir très grave).
Divers
- Quand pensez-vous prendre votre retraite ?
Aucune idée ! Je viens seulement de commencer, je ne sais pas du tout quand je vais arrêter. |